Dès le mois de septembre 1944, Rivaz écrit pour l’hebdomadaire Servir une série d’enquêtes consacrées à des métiers féminins. Elle y décrit les conditions de travail de femmes de ménage et de travailleuses à domicile dont elle rapporte les propos. Le ton de ces articles est résolument empathique : il s’agit, comme le titre de la série l’indique, de se mettre « à l’écoute de celles qui travaillent », autrement dit à l’écoute de celles dont la parole n’est guère entendue ou considérée. Rivaz ne se contente pas d’exposer des parcours de vie laborieuse de manière impartiale ; elle s’implique dans le portrait des femmes qu’elle rencontre tout en donnant à voir leurs gestes et leurs savoir-faire. Elle les interroge aussi sur les aspects les plus matériels de leurs tâches (activités, emploi du temps, revenu chiffré, budget familial, etc.) en cherchant à mettre au jour la réalité matérielle de leurs métiers précaires. Une de ces enquêtes lui inspirera plus tard l’écriture d’un court récit, « La machine à tricoter », lequel donne son titre à notre volume. Paru en 1973 dans De mémoire et d’oubli, ce texte relate la rencontre bouleversante d’une travailleuse à domicile, ancienne élève de Ferdinand Hodler, à Carouge. Au terme de son récit, Alice Rivaz développe une réflexion critique sur le misérabilisme littéraire auquel succombent parfois les romanciers qui, comme elle, écrivent sur le malheur des autres.
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