Conçu un an avant Requiem pour un paysan espagnol, voici l’autre roman emblématique de Ramón Sender.
C’est lors d’une exécution capitale que Ramiro, le héros, se raconte. Brillant, insolent, philosophe, « potentiellement amoureux de toutes les femmes » et doué pour tous les métiers, il a vécu, de couvent en prison, de maison close en cirque ambulant, une série d’aventures et de rencontres qui rappellent de près le propre parcours de Sender.
Ramiro a compris la vie en jouant le rôle du prince Sigismond dans La vie est un songe, revêtu des habits de femme pour rentrer dans les ordres, testé la condition de bandit de grand chemin, affûté sa philosophie avec les toiles de Goya au musée du Prado, surmonté la mort accidentelle de ses deux premières amoureuses. Devenu adulte, il a hésité entre la carrière de jésuite et celle de bourreau en optant, au nom de la vérité, pour ce dernier état. Bras armé, et aveugle, des hommes, il fera justice mécaniquement, sans prendre part au monde qui se joue. Obsédé par le péché et le salut, il croit à la responsabilité individuelle plutôt qu’à la morale.
Ce flamboyant roman d’un siècle et d’un homme pousse jusqu’à l’obsession l’interrogation sur le sens et le non-sens de la vie.
« Demain, vous serez un bourreau, un autre jour un saint. C’est selon la lumière que Dieu nous envoie. »
Ramón Sender (1901-1982) se fait connaître très jeune comme journaliste, pour ses prises de positions radicales contre les injustices. Lié aux milieux anarcho-syndicalistes, il commence à écrire des romans sur la prison, les ouvriers, la répression des révoltes paysannes… Il perd durant la guerre civile sa femme et son frère, exécutés par les franquistes. Il s’exile à la fin du conflit au Mexique, puis, en 1949, aux États-Unis. Totalement oublié pendant la période franquiste, durant laquelle ses œuvres sont censurées, il meurt en Californie, en 1982, laissant près de 60 romans. La plupart transposent des épisodes de la guerre civile, en dépeignant l’étrangeté et la complexité des caractères humains dans un monde nimbé de mystères. Mais il a aussi écrit sur Lope de Aguirre et Billy the Kid. Seuls dix titres ont été traduits en français, dont Le Roi et la Reine (Attila, 2009), Requiem pour un paysan espagnol (2010), L’Empire d’un homme (2011) et Le Fugitif (2012).
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